La Suède veut mettre fin à sa dépendance au pétrole. Pour y parvenir, elle mise sur les biocarburants issus de la forêt.
par Jonathan Trudelpublié dans L'actualité du 1er avril 2008
Faire le plein avec de l’essence fabriquée à partir de copeaux de bois ? Ça pourrait bientôt devenir normal aux yeux des automobilistes suédois. À condition que l’usine-pilote que me fait visiter son superviseur, Stefan Johansson, remplisse ses promesses.
Nichée près de Värnamo, au cœur du Småland, région boisée du sud de la Suède où fut inventée la scie mécanique, cette usine a été construite dans les années 1990. On voulait alors tester une nouvelle technique de gazéification du bois destinée à améliorer les performances des centrales thermiques carburant aux résidus forestiers.
Fermée parce que trop coûteuse à exploiter, l’usine a aujourd’hui droit à une seconde vie. Et est investie d’une mission ambitieuse : contribuer à libérer la Suède de sa dépendance au pétrole. Le pays n’en possède pas.
« On a presque tout fait, depuis la crise pétrolière de 1973, pour réduire notre consommation, qu’il s’agisse de chauffer les résidences ou de faire fonctionner l’industrie et de produire de l’électricité, dit Kristina Jonäng, chef de cabinet du ministre de l’Environnement. Il faut maintenant s’attaquer au secteur des transports. »
Une commission mise sur pied et dirigée par l’ancien premier ministre social-démocrate avait fait grand bruit l’an dernier. On prévoyait que le pays ne dépendrait plus du pétrole d’ici 2020. Le nouveau gouvernement refuse de s’engager à respecter ce délai, mais souscrit au principe de l’« indépendance pétrolière ». Pour atteindre cet objectif, les biocarburants joueront un rôle clé. D’où l’importance du projet-pilote de Värnamo, financé par l’Agence suédoise de l’énergie et la Commission européenne.
Au lieu de produire de l’électricité, l’usine transformera des copeaux de bois en gaz synthétique, puis en biocarburants. La cellulose, tirée du bois, offre un meilleur rendement énergétique que les biocarburants de première génération à base de canne à sucre ou de maïs, comme l’éthanol. « Si on voulait faire rouler tous nos véhicules avec de l’éthanol fabriqué à partir de maïs, le pays ne serait pas assez grand pour contenir tous les champs qu’il nous faudrait », dit l’ingénieur Stefan Johansson, le géant blond aux yeux bleus qui supervise l’usine. Les forêts suédoises, par contre, suffiraient à étancher la soif des moteurs, selon les calculs des ingénieurs. « Nos forêts croissent plus vite que le rythme auquel nous les exploitons », dit Stefan Johansson. (On croit rêver…) L’excédent produit par cette croissance pourrait à lui seul combler la moitié des besoins en carburant du pays. Pour atteindre complètement l’objectif, il suffirait de fertiliser les forêts et de planter des espèces à croissance rapide.
Cette technologie ne réglerait évidemment pas les problèmes de la planète — tous les pays ne disposent pas de vastes forêts. Mais la Suède cherche à faire de cette initiative un autre symbole de sa préoccupation environnementale avant de présider l’Union européenne, en 2009. « Pour s’attaquer au réchauffement climatique, on ne peut pas tout faire seul. Il faut s’associer, dit Kristina Jonäng, du ministère de l’Environnement. On veut convaincre l’Inde, la Chine et les États-Unis de s’engager dans le traité qui remplacera le protocole de Kyoto. C’est plus facile d’avoir une position de force dans les négociations internationales quand on peut dire aux autres : “Voici ce qu’on a accompli, sans faire sombrer notre économie. Maintenant, vous, que pouvez-vous faire ?” »
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